Il n’a jamais porté d’uniforme de sa vie mais n’a rien à envier à Bokassa. Sur son passage, les morts s’empilent par milliers. Dramane est devenu si familier avec le drame que déclarer son ancien Premier ministre naturellement décédé a peut-être relevé d’une promptitude. Sans gun, Gon s’en est allé, facilitant le reniement de l’ADO laissant, blessant et tuant qui certainement fera des émules. Son «cas de force majeure » va baliser la voie à de nombreux petits dictateurs de la sous-région qui, sans scrupule, entasseront également les cadavres pour tenter de rester davantage au pouvoir.
La Côte d’Ivoire à feu et à sang. En 72 heures, les victimes commencent à s’empiler. Dans les principales villes du pays, les populations sont sorties pour s’insurger contre le troisième mandat convoité par Alassane Dramane Ouattara qui leur a opposé une violente répression. Le bilan officiel, établi par le ministre ivoirien de la Sécurité et de la Protection civile, fait état de cinq morts et de 104 blessés.
Pourtant, ces violences ne font que commencer, au regard de la réaction des opposants. Prenant la parole depuis la France où il est coincé, Guillaume Soro a « appelé à l’unité d’action de l’opposition contre la candidature du chef de l’Etat qui a franchi la ligne rouge après avoir attaqué la Constitution ». Moins tranchant que l’ancien Premier ministre Soro, Henry Konan Bédié se veut par contre plus explicite. « Je déplore que ces braves militants pacifistes de Ferkessédougou, Daoukro, Daola, Oumé et d’autres villes de la Côte d’Ivoire, agissant pour la noble cause de l’inviolabilité de notre loi fondamentale, aient été victimes des agressions organisées par des hordes instrumentalisées, venues d’ailleurs», déclare, dans un communiqué, le Président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire-Rassemblement démocratique africain (PDCI-RDA) qui laisse entendre que ce ne sont pas les forces de l’ordre ivoiriennes qui se sont attaquées aux manifestants. Et la dernière fois qu’il a été question de mercenaires en Côte d’Ivoire, il y a eu des milliers de morts, 3 248 selon la Commission d’enquête ivoirienne.
Ainsi, Alassane Dramane Ouattara qui a marché sur des cadavres pour se rendre au palais présidentiel ivoirien où ses hommes ont débusqué Laurent Gbagbo qui refusait de se plier à « l’expression populaire », est décidé à récidiver. Sauf que, cette fois-ci, c’est lui qui refuse de quitter le palais et d’entendre « l’expression populaire ». «Face à ce cas de force majeure et par devoir citoyen, j’ai décidé de répondre favorablement à l’appel de mes concitoyens me demandant d’être candidat à l’élection présidentielle du 31 Octobre 2020». En faisant cette déclaration à la veille de la célébration de la fête de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, ADO a allumé l’étincèle qui a mis le feu aux poudres. Après avoir urbi et orbi déclaré avoir verrouillé la Constitution ivoirienne qui ne permet plus à quelqu’un de faire plus de deux mandats, Ouattara se renie et met tout sur le dos du décès de son dauphin Amadou Gon Coulibaly. Pourtant, même ses plus proches collaborateurs avaient, après lui, soutenu qu’il ne pouvait briguer un autre mandat. En décembre 2016, son ministre de la Justice, Sansan Kambiléla déclarait, devant les députés ivoiriens : « Le président de la République a toujours dit qu’il ne sera pas candidat en 2020. C’est un homme de parole. Je pourrais vous démontrer comment il lui sera impossible de l’être. Tous les pays où les chefs d’État ont entendu se maintenir au pouvoir ont fait sauter le verrou avant les élections, pas après ». C’est donc sans surprise que les opposants montent au créneau pour dénoncer ce qu’ils considèrent à juste titre comme une forfaiture.
Ce scénario comme écrit à l’avance était si prévisible. Il y a un peu plus d’un mois, le 12 juillet dernier, nous écrivions dans une autre chronique : « la mort d’Amadou Gon Coulibaly pourrait entrainer celle de beaucoup d’autres Ivoiriens, parce qu’un Président a oublié qu’il ne décide pas de tout ». Ce qui est également prévisible, c’est l’influence que la décision d’Alassane Drame Ouattara va avoir sur les autres chefs d’Etat de la sous-région. En effet, avec son forcing, le président ivoirien ne met pas uniquement en danger la Côte d’Ivoire. Le virus du troisième mandat va être ragaillardi ailleurs. Au Sénégal, c’est le même débat sur une éventuelle candidature du président SALL qui, comme jadis Ouattara, a écarté cette possibilité. Observant de près ce qui se passe chez son voisin, Macky SALL s’est déjà enlevé une épine du pied. Au moment de son reniement, la Communauté internationale ne sera guère surprise. « Ouattara et l’autre guinéen-là l’ont déjà fait », diront ses défenseurs.
Seulement, si le Peuple de Côte d’Ivoire parvient à stopper ADO et à l’empêcher de se présenter, Macky SALL, à défaut de renoncer, y réfléchira à deux reprises avant de s’engager dans un tel bourbier.