Le droit à la réquisition est une prérogative reconnue à l’administration de procéder, en cas de besoin, à la réquisition de travailleurs d’entreprises privées ainsi que d’établissements publics assurant des missions indispensables à la continuité et au maintien de l’ordre public, à la sécurité des biens et des personnes ainsi qu’à la satisfaction des besoins d’intérêt public.
La loi permet ainsi à l’autorité de détenir dans l’intérêt général un pouvoir essentiel qui apparaît comme une « sortie de secours » lorsque les voies de règlement prévues dans le cadre notamment des différends collectifs de travail n’ont pas abouti aux solutions recherchées.
Ce droit de réquisition est prévu par l’article 7 du Statut général des fonctionnaires ainsi que l’article L-276 du code du travail. Mais c’est le décret n° 72-017 du 11 janvier 1972qui énumère la liste des postes, emplois et fonctions concernés.
Pour les travailleurs qui ne rentrent pas dans la définition du Statut de la Fonction publique, ils sont régis par l’article L-276 du code du travail qui dispose que : « L’autorité administrative compétente peut, à tout moment, procéder à la réquisition de ceux des travailleurs des entreprises privées et des services et établissements publics qui occupent des emplois indispensables à la continuité des services publics, ou à la satisfaction des besoins essentiels de la nation ».
MODALITES DE LA REQUISITION :
Les conditions et les modalités de la réquisition sont fixées par l’autorité compétente en fonction des travailleurs qui occupent les emplois figurant sur la liste prévue par le décret.
La notification est faite en règle générale à la personne par ordre de service signé soit par l’autorité administrative compétente, soit par l’employeur ou son représentant.
Toutefois, la notification ou l’information peut être faite :
Par une publication au Journal Officiel ;
Par une diffusion radiophonique ;
Par affichage sur les lieux de travail.
Dans tous les cas, le décret pourra requérir collectivement et anonymement les travailleurs occupant tout ou partie des emplois prévus par le décret n° 72-017 du 11 janvier 1972.
LE DOMAINE DE LA REQUISITION :
LE SECTEUR PUBLIC ET PRIVE :
Le domaine de la réquisition couvre les agents de la Fonction publique, les sociétés d’économie mixte, les agents décisionnaires ou non fonctionnaires, les collectivités locales, les établissements publics ;
Production d’énergie (raffinage et électricité), production d’eau, sucreries et meuneries, ateliers et chantiers maritimes, transports aériens, extraction minière, sociétés de distribution de pétrole, sociétés de nettoiement, de communication etc…
Si le champ d’intervention de la réquisition est vaste, elle peut contribuer à anéantir le droit syndical et en particulier le droit de grève.
L’éminent juriste feu professeur Joseph Issa-Sayegh, par ailleurs pionnier du Droit Social au Sénégal se demandait : « Est-ce le droit de grève existe au Sénégal » ?
Mais cette réquisition ne doit pas ramener le service à la normale, sinon il y a atteinte au droit de la grève.
LA FORMALISATION DE LA REQUISITION :
1- Elle doit être suffisamment motivée ;
2- Elle doit préciser la durée qui est limitée dans le temps ;
3- Elle doit préciser le nombre de personnes ou bien réquisitionnés ainsi que les modalités de son application ;
4- Elle doit viser expressément les dispositions légales et réglementaires à cet effet ;
NB : Même si la réquisition est jugée illégale, les agents réquisitionnés ont l’obligation d’exécuter la mesure sinon ils peuvent encourir des sanctions disciplinaires et pénales (article L 273 et L 279 Code du Travail) ;
Et les centrales syndicales dans tout ce bras de fer ? Pourquoi ce silence éloquent ?
LES INTERDICTIONS OU INCOMPATIBILITES AU DROIT SYNDICAL ET DE GREVE :
En apportant des restrictions au droit de certains travailleurs et fonctionnaires, les pouvoirs publics entendent probablement se prémunir contre les actions susceptibles de remettre en cause l’ordre public, le bon fonctionnement des services publics essentiels de l’Etat.
Il s’agit là d’un objectif qui se justifie mais qui reste souvent critiqué.
Toute solution peut apparaître arbitraire. Ainsi, d’un pays à un autre, ces solutions ont différé. Le législateur sénégalais a interdit à certaines catégories de fonctionnaires toute forme de concertations en vue de cesser le travail. C’est ce qui justifie que dans les grands corps de l’Etat, les fonctionnaires se regroupent dans des associations appelées « Amicales » pour défendre des intérêts professionnels.
LES PROFESSIONS CONCERNEES :
Ce sont tout d’abord les articles 7 et 99 du Statut général des fonctionnaires qui prévoient la possibilité de déroger, dans le cadre des statuts particuliers, à certaines dispositions du droit commun ;
1- Le personnel des parcs nationaux, de tout grade, en activité de service, en position de détachement ou en disponibilité. Cette interdiction découle de l’article 4 de la loi n° 79-33 du 24 janvier 1979 portant statut particulier du personnel des parcs nationaux. L’article 4 dispose en effet que ce personnel « ne jouit ni du droit de grève, ni du droit syndical »
2- Personnel du service national d’hygiène, de tout grade, en activité, en position de détachement ou de disponibilité. L’article 8 de la loi n° 81-12 du 04 mars 1981 fixant le statut du personnel du Service d’hygiène prévoit : « Ils ne jouissent ni du droit de grève, ni du droit syndical ».
3- Membres des forces de polices, l’article 8 de la loi n° 78-04 du 29 janvier dispose ainsi qu’il suit : « Les membres des forces de police de tout grade, en activité de service ou en position de détachement ou de disponibilité, sont soumis en permanence aux règles suivantes :Ils ne sont pas éligibles. En outre, Ils ne jouissent ni du droit de grève, ni du droit syndical».
4- Personnel des douanes, l’article 8 de la loi n° 69-64 du 30 octobre 1969 prévoit la même interdiction et avec des termes identiques.
5- Inspecteurs Généraux d’Etat, la Loi n° 87-18 du 3 août 1987 portant statut des Inspecteurs Généraux d’Etat, article 10. Toutefois, cet article indique uniquement ce qui suit : « Le droit de grève n’est pas reconnu aux Inspecteurs Généraux d’Etat. Tout fait de grève peut entraîner des sanctions disciplinaires ».
6- Les magistrats, l’article 10 de la loi n° 84-21 du 02 février 1984 portant statut de la Magistrature. « Les magistrats, même en position de détachement, n’ont pas le droit d’adhérer à un parti politique et toute manifestation leur est interdite. Ils ne peuvent ni se constituer en syndicat, ni exercer le droit de grève ».
7- Les administrateurs civils, le décret n° 77-880 du 10 octobre 1977 portant statut particulier du cadre des fonctionnaires de l’Administration générale. L’article 10 du décret n° 77-880 n’interdit pas expressément le droit syndical mais remet en cause une des actions importantes dans l’exercice du droit syndical, c’est-à-dire la cessation concertée du travail.
Cet article indique en effet : « En application de l’article 99 du Statut général des fonctionnaires et en raison du caractère particulier des fonctions qui leur sont dévolues, les administrateurs civils peuvent être sanctionnés en dehors des garanties disciplinaires pour toute cessation concertée du service ou tout acte collectif d’indiscipline ».
Certes, la grève est une bonne motivation, mais parfois une dangereuse raison.
« NUL N’EST CENSE IGNORER LA LOI »
Me El hadji Amath THIAM
Juriste-Consultant