« AUTEUR DE L’ARTICLE : Ibrahima NGOM/Damel…..Avec RFI »
C’est un retour historique à la Maison Blanche. Défait en 2020, visé par quatre procès au pénal, Donald Trump a largement battu, ce mardi 5 novembre, sa rivale démocrate Kamala Harris.
Rassemblement de partisans de Trump après la tentative d’assassinat qui l’a visé en Pennsylvanie.
Cette nuit, quand il a pris la parole en Floride, Donald Trump a parlé de « victoire historique ». Est-ce la première fois qu’un président est de nouveau élu, quatre ans après avoir quitté la Maison Blanche ?
Selon Corentin Sellin,ce n’est pas la première fois puisqu’on a un précédent historique, à la fin du XIXᵉ siècle, avec Grover Cleveland. Mais qui se souvient encore du président Cleveland ? C’était une époque où la Maison Blanche n’avait pas du tout son importance internationale, ni même aux États-Unis. On peut donc considérer que c’est la première fois à l’ère de la superpuissance américaine. Et de ce point de vue, c’est effectivement un événement historique.
Donald Trump élu 47e président des États-Unis. Il a gagné du terrain, de toute évidence. Mais si on se fonde sur les sondages sortis des urnes, il a très clairement gagné du champ chez les Hispaniques. On le pressentait, mais c’est dans une ampleur bien plus importante. C’est-à-dire que les hommes hispaniques, en particulier, ont beaucoup plus voté pour Donald Trump qu’en 2016 et en 2020.
Grâce à ce côté macho dont on avait parlé pendant la campagne ? C’était un des titres du New York Times il y a quelques jours.
Il faut essayer de rester sur quelque chose de plus concret et factuel : c’est aussi qu’en fait, Donald Trump a fait voter des personnes, non pas en fonction de leur identité raciale au sens américain, mais en fonction de leur statut économique. C’est-à-dire que le statut économique, socioéconomique, l’a emporté sur l’identité raciale. Ce que je veux dire, c’est que beaucoup d’hommes hispaniques de troisième, quatrième génération – l’immigration est loin derrière eux – ont voté sans doute surtout en fonction de leurs intérêts économiques.
Ce sont souvent des petits entrepreneurs, des artisans, des commerçants qui sont séduits par le discours pro-business dérégulateurs de Donald Trump. C’était déjà le cas de leurs homologues blancs, non diplômés ou peu diplômés. Eh bien maintenant, c’est aussi le cas de ces Hispaniques. Et on a en quelque sorte une assimilation également des comportements électoraux : ces descendants d’immigrés hispaniques tendent à se comporter de plus en plus comme les citoyens dont les origines américaines sont plus lointaines.
Alors, il existe toujours. On voit par exemple que Kamala Harris aurait gagné environ, selon les sondages sortis des urnes nationaux, huit électeurs africains-américains sur dix. Mais huit sur dix, ce n’est pas le neuf sur dix de Biden et le neuf sur dix auquel on était habitué précédemment. Donc, on voit que l’emprise qu’on avait tendance à considérer comme automatique du Parti démocrate sur le vote des minorités est en train de décroître et en train de reculer. Et c’est sur ces marges-là que Donald Trump a fait des progrès.
Même si nos données sont encore peut-être un petit peu approximatives. On regardera en particulier son score chez les jeunes hommes africains-américains qui vivent dans les cœurs des métropoles.
Malgré des chiffres macroéconomiques flatteurs, nos reporters sur le terrain ont rencontré de plus en plus d’Américains qui se sentaient en marge de croissance, enfermés dans un quotidien difficile. Comment expliquer que les démocrates n’aient pas su s’adresser à cette catégorie-là de population ?
Je pense qu’il faudra une autopsie très rigoureuse – et elle sera sans doute sévère – de la campagne démocrate. Il y a plusieurs choses à relever. D’abord, je crois que ça n’a pas été assez pointé, c’est que les démocrates ont mis beaucoup de temps à s’apercevoir à quel point Joe Biden était devenu impopulaire et répulsif, précisément parce qu’il incarnait une politique économique dont il vantait et qui a produit les réussites chiffrées.
Et effectivement, il faut quand même le rappeler, on a actuellement 2,8 % de croissance du PIB annualisé. On a, aux États-Unis, 4% environ de la population active au chômage. Donc, on voit bien que ce sont d’excellents chiffres macroéconomiques, mais la macroéconomie, ce n’est pas ce qu’on met dans l’assiette.
Biden a été pris en grippe à cause de ce décalage, et Kamala Harris également par la suite, pendant la campagne, entre ce qu’elle présentait comme les « bidenomics » – elle avait souvent ce mot à la bouche – et ce que ressentait la population et son incapacité à faire face à la hausse des prix alimentaires et du logement. Ce décalage a fini par nourrir du ressentiment, du ressentiment envers Joe Biden et à nourrir une impopularité très forte qui n’a pas été prise en compte assez vite par les démocrates. On l’a bien vu aujourd’hui.
Il apparaît quand même, avec le recul, que l’idée de laisser Joe Biden se représenter, en plus dans l’état qu’a révélé le débat fin juin, était absurde. Et une fois qu’il a enfin consenti à se retirer face à cette impopularité et face à des perspectives électorales qui étaient déjà désastreuses pour lui, on était déjà fin juillet : Kamala Harris s’est retrouvée tout à coup portée sur le devant de la scène avec très peu de temps pour mener une campagne.
Lors de sa première prise de parole ce mercredi, Donald Trump a dit qu’il fallait mettre les divisions de côté, ce qui peut paraître quand même un peu étonnant étant donné les propos qu’il a tenus pendant la campagne. Est-ce que vous pensez que le climat va s’apaiser ou est-ce qu’au contraire, c’est le début d’une période de violence ouverte aux États-Unis ?
Cela dépendra beaucoup de Donald Trump lui-même. Il est le président élu, on va avoir cette période de transition de deux mois jusqu’à son investiture. Il aura l’appui au moins déjà d’une partie du Congrès avec le Sénat et c’est à lui de tendre la main, théoriquement en démocratie, à ceux qui n’ont pas voté pour lui.
Ibrahima NGOM Damel (Avec RFI).