Elon Musk, l’homme le plus riche du monde, fascine autant qu’il inquiète. Avec ses différentes entreprises, de X (ex-Twitter) à Space X en passant par Tesla, son influence touche toutes les sphères de la société américaine. Dernièrement, le multimilliardaire s’est engagé dans la campagne présidentielle aux côtés de Donald Trump. Faut-il admirer cet entrepreneur ou craindre son pouvoir omnipotent ? Analyse avec Boris Manenti, chef du service économique du Nouvel Obs et auteur du livre Elon Musk Le bonimenteur paru aux éditions du Rocher, l’invité des Clés.
Légende de la Silicon Valley, Elon Musk s’est notamment fait connaître en créant Paypal, qu’il revendra pour 1,5 milliard de dollars à eBay. L’homme ne cesse de créer et de revendre des entreprises. Propriétaire, entre autres, de la marque de voitures électriques Tesla, du réseau social X (ex-Twitter) mais aussi de l’entreprise aérospatiale Space X, son influence s’étend de plus en plus… de quoi inquiéter plusieurs observateurs. « C’est dangereux d’avoir confié un tel pouvoir à un seul homme privé qui, du jour au lendemain, peut complètement changer d’avis » souligne Boris Manenti.
Le pouvoir détenu par Elon Musk s’illustre de différentes façons. Le multimilliardaire a notamment eu le luxe d’arbitrer les communications entre l’Ukraine et la Russie. En effet au début de la guerre, suite à la coupure des réseaux de communications par les Russes, l’Ukraine utilise le réseau de satellites Starlink, dont Elon Musk est propriétaire. Au départ, le multimilliardaire laisse faire… jusqu’à recevoir un appel du Kremlin. Entré en contact avec Vladimir Poutine, Elon Musk aurait depuis interféré dans plusieurs manœuvres militaires ukrainiennes en coupant certains satellites.
Boris Manenti souligne aussi que plusieurs comptes X de journalistes ont été supprimés, parce que l’homme d’affaires n’aimait tout simplement pas leurs articles. « Confier au bon vouloir d’un seul homme, un pouvoir aussi important, ça pose des grandes questions« .
En 2022, Elon Musk rachète le réseau social Twitter pour plusieurs milliards de dollars. Dans les médias, il évoque un objectif clair : en faire un espace de liberté d’expression absolue. Le multimilliardaire veut donc en finir avec la modération, il ne tarde d’ailleurs pas à réactiver le compte de Donald Trump, écarté du réseau social en janvier 2021 après l’assaut du Capitole.
Pour l’auteur de Elon Musk Le bonimenteur, le rachat de Twitter était une démarche bien plus politique que ce que n’a laissé paraître publiquement Elon Musk. « En fait, dès 2022, quand il rachète, il confie à son entourage […] que le projet est avant tout politique puisqu’il dit qu’il veut combattre le virus woke et qu’il a besoin d’un contre récit et que ça va passer par le rachat de Twitter. »
Si Elon Musk a soutenu plusieurs candidats démocrates, il évolue en effet vers une radicalisation de pensée pendant la crise sanitaire. « Ses proches racontent qu’il passe beaucoup de temps sur internet, sur les sites complotistes. Il commence à relayer des théories du complot. Dans ses messages publics sur Twitter, on le voit vraiment glisser petit à petit vers cette idéologie complotiste d’extrême droite et très conservatrice qui l’amène aujourd’hui à soutenir Donald Trump » explique Boris Manenti. Le basculement opère lorsqu’en 2022, son fils ainé Xavier entame une transition de genre, devient une femme transgenre et coupe tout contact avec son père. Dès lors, les positions d’Elon Musk se radicalisent contre ce qu’il appelle le « virus woke » qui a touché son propre enfant.
Et Twitter est son outil de propagande. « L’algorithme est clairement biaisé et met beaucoup plus en avant, surtout aux États-Unis, les messages plutôt des républicains ou à destination des potentiels électeurs républicains. […] Donc, il y a vraiment une mise en musique pour mettre en avant au maximum les idées de Donald Trump. Et ça n’a été possible que parce qu’il possède le réseau social X« .
Des conflits d’intérêts flagrants
Si Elon Musk s’engage aux côtés de Donald Trump, c’est aussi et surtout pour le bénéfice de ses propres entreprises. En retour de son soutien au Républicain, ce dernier lui a déjà promis de continuer la transition vers les voitures électriques, ce qui augmentera la vente des Tesla. Donald Trump compte aussi lui donner un rôle dans son administration en cas de victoire. Elon Musk serait chargé de réformer une série d’administrations fédérales. Un rôle extrêmement avantageux pour l’homme d’affaires mais aussi source d’un tas de conflits d’intérêts.
En effet, ces administrations fédérales sont notamment en charge des subsides pour la transition écologique qui bénéficient à des entreprises comme Tesla, en charge aussi des contrats aérospatiaux comme ceux conclut avec Space X ou encore en charge d’une vingtaine d’enquêtes en cours sur des entreprises d’Elon Musk.
La victoire de Donald Trump et le nouveau poste d’Elon Musk lui permettraient donc de s’assurer de nombreux subsides, mais aussi la fin d’enquêtes problématiques visant son empire, notamment concernant les risques des voitures Tesla et l’ampleur des dégâts environnementaux causés par les fusées Space X.