Cher Mamour, je voudrais te féliciter pour avoir été choisi de manière transparente et objective, au terme d’un long processus, à la tête de l’Agence de Développement Municipal (ADM). Cette sélection témoigne de tes grandes compétences intellectuelles et techniques que tu as su développer le long de ton parcours universitaire et professionnel si riche et louable. Si j’ai choisi cette forme épistolaire publique, c’est pour conforter l’idée le nouveau régime dans cette direction, gage d’un avenir meilleur pour les futures générations.
« Gagner ensemble, gouverner avec les compétences et faire profiter tout le monde ». Voilà un concept qui prendra certainement forme sous le tandem Diomaye-Sonko.
Si tu es à l’ADM, c’est bien sûr par ce que tu le mérites amplement mais, cela ne signifie pas forcément que tu es le plus compétent Seule l’humilité que je te connais ainsi que les nombreuses années d’expérience de vie accumulées entre Koungheul, Kaolack-Léona, Santhie Ada, Yamong, Dakar (UCAD) et Kaolack (ARD), t’ont soutenu et te soutiendront sur le chemin escarpé du succès.
Hier, tu étais entouré de Maires et de Conseils départementaux qui ne comprenaient pas ce que tu pouvais leur apporter. Aujourd’hui, tu as l’opportunité de servir tout le Sénégal et il est probable que tu croises des élus profondément engagés et conscients. Cette chance, tu l’as construite en suivant les conseils de ton grand frère Abdoul Aziz DIOP (une référence à nulle autre pareille) et en respectant les directives de ton défunt père fondées sur l’amour et l’intuition. Tu as eu raison de refuser de jouer la carte politique au risque de devenir comme certains de ta génération : trafiquants d’influence, chercheurs de gains faciles et/ ou illicites, porteurs de pancartes de leurres politiques, survivants désillusionnés du ‘togg mouy dokh’ (kheuyou ndaw gni).
Ce n’est pas non plus parce que tes prédécesseurs n’étaient pas à la hauteur ! La différence réside dans le fait qu’ils évoluaient dans un environnement déroutant qui inhibait tout effort intellectuel.
Comme dans d’autres Directions Générales et autres Agences, ceux qui étaient nommés de façon impromptue étaient souvent loin de répondre aux critères de compétence. On leur demandait de remplir les meetings de monde avec des tee-shirts politiques pendant qu’on leur attribuait des budgets conséquents pour leurs structures. En contrepartie de leur capacité de mobilisation, ils se voyaient garantir une immunité, hélas, aveugle. Ce type de dirigeants n’a plus sa place si les autorités actuelles maintiennent leur engagement aux valeurs de l’excellence.
Mon jeune frère,
Personne, mieux que toi, ne comprend que l’ADM par sa mission doit rendre nos territoires viables, résilients et compétitifs. Elle seule pourrait assurer le succès de la vision SENEGAL 2050 en la concrétisant. Fort de ma modeste expérience dans les politiques publiques, je pense que la solution réside dans une décentralisation effective permettant un développement harmonieux des pôles territoriaux. Le référentiel des politiques publiques actuel, qui prévoit la création de pôles territoriaux érigés en collectivités locales et dotés des ressources nécessaires, est la seule issue !
Nous nous sommes battus pour cette ambition avec l’Acte 3 de la décentralisation pendant plus de dix ans. Hélas, les intérêts « politiciens » n’ont pas laissé la place à l’écoute. Cette réforme, bien que pertinente, les responsables administratifs qui auraient dû la mettre en œuvre ont été détournés des bons choix par les dysfonctionnements induits par la promotion de l’incompétence.
Le bel objectif de réduire le déséquilibre dû à la macrocéphalie de Dakar en développant des territoires autonomes fut stoppé et rangé aux oubliettes. Les universités, les hôpitaux modernes et CHU ainsi que les infrastructures (aéroports, ports) auraient dû être construits en fonction des besoins des nouveaux territoires.
Aujourd’hui, en plus des autorités qui ont soutenu le processus ayant abouti à ta nomination à la tête de l’ADM, la Banque Mondiale, institution publique ainsi que les collectivités locales dirigées par des Maires engagés, portés par leurs populations, vous regardent et vous attendent.
Tu sais mieux que quiconque qu’il existe un fossé entre la formulation de politiques publiques et les effets concrets ressentis par les populations ; l’Acte 3 de la décentralisation en est un parfait exemple,
Cette lettre de félicitations doit servir de rappel d’archives.
Depuis la création de la première catégorie de collectivités locales que sont les Communes de Gorée et de Saint-Louis, en 1872, le Sénégal s’est engagé dans un processus irréversible de renforcement de la décentralisation. Votre promotion à l’ADM doit figurer dans l’histoire et dans l’historique du processus qui s’est poursuivi depuis notre accession à la souveraineté nationale.
Les années 1972, 1996 et 2013 ont été marquantes. 2024 le saurait davantage avec cette nouvelle alternance qui parle effectivement de souveraineté, qui a une charge conceptuelle très forte. Tu sais très bien que la mise en œuvre de politiques locales dans les domaines de compétences transférées a été surtout entravée par l’absence d’une détermination des acteurs qui en avaient le plein pouvoir de décision. Les nombreux défis autour de de la formulation, du suivi et de l’évaluation des politiques publiques, ont été relégués au second plan et cela a rendu la coopération multisectorielle et le développement harmonieux des territoires très faibles.
S’il est un geste qu’il faut faire, c’est de commencer par la rupture dans ce domaine que tu maîtrises plus que quiconque. Dans la conception et la gestion des programmes, la première réforme est la prise en compte des spécificités de chaque territoire et une application effective du principe de subsidiarité. Si tu t’inscris dans cet esprit en reconnaissant la place dévolue à chaque acteur, la mobilisation et la bonne allocation des ressources se feront aisément et les objectifs de développement de ces territoires oubliés abritant ces pauvres contribuables, seront effectives.
Le Sénégal a tenté d’imprimer leur marque et ce, à travers une nouvelle réforme territoriale et institutionnelle intitulée « Acte III de la décentralisation », de créer « des territoires de développement ». Aujourd’hui, une bonne leçon a été tirée, voire retenue en chargeant le mode de désignation du Directeur de l’ADM. Il est clair que les nouvelles autorités ont décidé d’organiser le pays en « territoires viables compétitifs et porteurs de dynamiques de développement durable ».
Comme inputs de votre futur Plan Stratégique, je t’invite à activer les moteurs de la territorialisation des politiques publiques en accompagnant le décloisonnement fonctionnel des services déconcentrés, améliorant les programmes de développement territoriaux intersectoriels autour de programmes d’investissement pluriannuels.
L’Agence de Développement Municipal (ADM) que tu diriges à ce jour a été créée en 1997 pour contribuer au renforcement de la décentralisation et au développement local. Tu y as trouvé des bilans allant de médiocres à mitigés au sein de nombreux programmes et initiatives parmi lesquels le Projet de relèvement d’urgence et de résilience de Saint-Louis, le Projet de protection côtière à Saint-Louis, le Projet de Gestion des Eaux Pluviales et d’Adaptation au Changement Climatique (Phases I & II), le Programme de Renforcement et d’Équipement des Collectivités Locales, et le PACASEN.
Apprends des échecs, tire des leçons, et adopte les valeurs essentielles de solidarité, d’équité et d’intégrité qui te permettront d’appliquer rigoureusement les règles de probité morale. Défend les principes de participation, de transparence, d’efficacité et d’efficience.
Le principal défi du Sénégal ne réside pas tant dans la formulation de politiques que dans une bonne coordination de leur mise en œuvre. Tu as eu l’opportunité de formuler, de mettre en œuvre, de suivre, d’évaluer et de décider à une échelle moindre mais importante. Pour cette raison, tu sais faire la part des choses, et je suis certain que tu le feras avec panache.
Les ressources dites « publiques » le deviennent réellement lorsqu’elles améliorent les conditions de vie des populations. Entre l’attribution des budgets et la perception des bénéficiaires, les dirigeants mal intentionnés ont souvent le temps de détourner les fonds à leur avantage, surtout, quand l’autorité les y « autorise ». Nous espérons que cette pratique qui a perduré est désormais révolue pour le Sénégal. Tu verras de tes propres yeux que les fonds PACASEN n’ont pas entièrement servi les collectivités locales mais, ont souvent bénéficié aux autorités municipales insensibles au développement et aux entreprises de la sphère politique.
Enfin, sache que tout Koungheul est fier de toi ! Nous ne te demandons pas de remplir vos services respectifs de Koungheulois comme ce fut la règle générale avant ou pour que tu privilégies les Communes de la région dans l’accompagnement. C’est tout le Sénégal que tu dois servir dans la plus grande intégrité et équité. Tu nous as apporté une immense satisfaction, nous membres de ta famille élargie, à cette ville et à ce département qui nous est si cher. Nous espérons continuer de ressentir cette fierté lorsque sera validé le rapport sur les cinq premières années de ta mission à la tête de l’ADM.
Pour finir, j’adresse mes vives félicitations à l’autorité pour le respect strict de la procédure d’appel à candidature.
Cher Mamour,
Que Dieu te protège et t’accompagne pour toujours ! Amine.
M.Mayacine Camara,
Ancien Maire de Koungheul,
Économiste-
Planificateur