– Aux prix actuels du gaz naturel, l’Algérie, la Libye, l’Egypte et la Tunisie pourraient engranger 29 milliards de dollars par an grâce à la capture et à la commercialisation des volumes qui sont actuellement gaspillés, tout en réduisant significativement leurs émissions de gaz à effet de serre.
L’Algérie, la Libye, l’Egypte et la Tunisie gaspillent environ 23 milliards de m3 de gaz naturel chaque année en raison du torchage, de l’éventage et des fuites à divers stades du processus d’exploitation des hydrocarbures, selon un rapport publié le 29 mars par le centre de recherche Columbia Center on Sustainable Investment (CCSI).
Alors que ces quatre pays d’Afrique du Nord sont situés aux portes de l’Europe, les volumes perdus représentent l’équivalent de 15 % des importations de gaz russe par les pays membres de l’Union européenne (UE).
Aux prix moyens du gaz la période durant la période 2018 -2020 (5 dollars par million d’unités thermiques britanniques/mmbtu), la commercialisation des volumes de gaz gaspillés pourrait générer des revenus de 4,1 milliards de dollars par an.
Aux prix actuels, les revenus pourraient atteindre 29 milliards de dollars par an.
Intitulé « North Africa can reduce Europe’s dependence on Russian gas by transporting wasted gas through existing infrastructure », le rapport précise que le torchage est à l’origine du gaspillage de 16,3 milliards de m3 de gaz dans les quatre pays d’Afrique du Nord étudiés.
Des investissements inférieurs à 4 milliards $
L’éventage, un processus contrôlé et intentionnel qui consiste à éliminer le gaz en le rejetant dans l’atmosphère, est responsable de la perte de 5,3 milliards de m3 alors que les fuites engendrent le gaspillage de 1,3 milliard de m3.
L’Algérie est le pays qui gaspille les plus gros volumes de gaz naturel, du fait de ces pratiques liées à l’exploitation des hydrocarbures (13,5 milliards de m3). La Libye arrive en deuxième position avec 5 milliards de m3 devant l’Egypte (4 milliards de m3) et la Tunisie (0,3 milliard de m3).
Le rapport souligne que les gouvernements de ces pays d’Afrique du Nord n’ont pas jusqu’ici cherché à lancer des projets de capture de ces volumes de gaz gaspillés, en raison du manque de données sur l’opportunité que représentent ces projets en termes de revenus, et du déficit de capacités techniques ou de capitaux. Ces projets de récupération du gaz torché, mis à l’évent ou perdus à cause des fuites ne nécessitent pourtant pas des investissements colossaux. Une étude publiée en avril 2021 par la société britannique Capterio, un fournisseur de solutions de capture du gaz torché ou mis à l’évent aux compagnies pétrolières et gazières, souligne d’ailleurs que la récupération de la moitié des volumes de gaz gaspillés sur les sites de production en Afrique du Nord ne nécessitera que des investissements inférieurs à 4 milliards de dollars.
Réduction significative des émissions de CO2
Plusieurs solutions existent pour l’utilisation des volumes qui pourraient être récupérés. Il s’agit notamment de l’utilisation du gaz pour la production d’électricité pour les activités industrielles locales, de sa réinjection dans les gisements pour renforcer la pression et améliorer le taux de récupération de pétrole, de la création d’usines de gaz naturel liquéfié (GNL) ou encore de la connexion des évacuations de gaz à des gazoducs existants pour exporter ce combustible fossile.
Le rapport révèle, dans ce cadre, que 76% du gaz brûlé en pure perte dans les torchères en Algérie, en Libye, en Egypte et en Tunisie, soit 12,4 milliards de m3, se trouve à moins de 20 km de gazoducs existants. Mieux, 57 % de ces volumes torchés se situent à moins de 10 km d’un gazoduc existant.
L’Afrique du Nord est déjà bien connectée à l’Europe grâce à quatre gazoducs et quatre terminaux de GNL ayant une capacité totale de plus de 110 milliards de m3 par an. Le taux moyen d’utilisation de ces infrastructures de transport de gaz varie entre 32% et 42%.
Au-delà des gains économiques que représente la capture des volumes de gaz gaspillés dans les quatre pays d’Afrique du Nord étudiés, Columbia Center on Sustainable Investment indique que l’exploitation de cette opportunité pourrait réduire les émissions de gaz à effet de serre dans ces pays d’au moins 466 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an.