L’Afrique de l’Ouest est la principale région d’importation de lait en poudre sur le continent africain. Dans la zone où la demande en produits laitiers connaît une croissance, le développement des filières locales reste un véritable défi.
En Afrique de l’Ouest, le plaidoyer en faveur d’une interdiction pure et simple des importations de lait en poudre entier serait de nature à compromettre les activités des transformateurs qui fournissent des produits aux consommateurs urbains. C’est ce qu’a indiqué à l’Agence Ecofin, Christian Corniaux, directeur adjoint de l’Unité de recherche Selmet du Cirad.
Une question d’équilibre…
Alors que sur ces dernières années, les campagnes d’organisations non gouvernementales ont plaidé pour un accroissement de l’usage du lait local et pour le développement des mini-laiteries, la réalité reste un peu plus complexe. En effet, sur le terrain, le chercheur souligne que l’objectif de collecte du lait local reste aussi ambitieux que compliqué dans sa mise en œuvre concrète.
« Le taux de collecte reste faible. Le lait est surtout produit dans les zones rurales au niveau des systèmes d’élevage qui font d’abord la production de viande. Cela revient très cher d’aller chercher quelques litres dans des zones lointaines où il n’y a pas de système de refroidissement ou pas d’électricité », explique-t-il.
S’il souligne que les entreprises laitières doivent s’engager autant que possible pour travailler avec les acteurs ruraux, le responsable indique que ceux-ci sont aussi soumis à l’impératif de dégager une marge positive en incorporant du lait en poudre importé relativement moins cher sous peine de devoir arrêter leur outil industriel.
« Une interdiction des importations de lait en poudre entier serait contreproductive pour les industriels ouest-africains. Il y a des messages très idéologiques qui défendent le fait qu’il ne faut pas utiliser du lait en poudre importé et qu’il faut se baser uniquement sur le lait local. Seulement quand on dit ça, cela revient à dire que l’usine ne fonctionnera que lorsque le lait local est disponible. D’un point de vue économique, cela ne permet pas d’avoir un équilibre à long terme. Quand on prend par exemple, la Laiterie du Berger au Sénégal, c’est des milliers de litres de lait collectés par jour. Pour que cela fonctionne avec une large gamme de produits, ils sont obligés d’utiliser du lait en poudre. S’ils n’ont plus cela, ils ne pourront pas survivre sur des marchés comme Dakar où leurs concurrents n’utilisent que du lait en poudre », indique-t-il.
…et une affaire de protection et de soutien
Dans le lot des cargaisons de lait qui débarquent chaque mois dans les ports des pays côtiers en Afrique de l’Ouest, les poudres de lait enrichies en matières grasses végétales (Fat-filled Milk Powder-FFMP) ont été pointées du doigt sur la dernière décennie. Ce produit, qui est en moyenne 30 à 40 % moins onéreux que l’équivalent local, est imposé à hauteur de 5 % ce qui entretient les importations et pénalise les filières locales.
« Souvent, j’entends dire qu’il n’y a pas de politique laitière en Afrique de l’Ouest. Ce n’est pas vrai. La politique en Afrique de l’Ouest, c’est de faire rentrer ce type de produit. Dans le même temps, il y a des volontés de développer la production et la collecte locales. Tant que c’était du lait en poudre entier, on pouvait avoir un peu de concurrence. Aujourd’hui, sur le marché, il n’y a pas de débat. Même la poudre de lait entier recule par rapport au FFMP » explique-t-il.
Dans un tel contexte, le responsable souligne que les gouvernements peuvent à la fois augmenter les droits sur les mélanges de matières grasses végétales (MGV) tout en déployant des politiques de soutien pour favoriser les collectes via des subventions, l’appui au développement de l’alimentation animale et des incitations fiscales.
Au Sénégal par exemple, une TVA de 18 % est prélevée pour le lait de collecte alors que la matière première sert pour la fabrication d’autres produits laitiers tels que le yaourt, les fromages et le beurre.
Pour rappel, l’Afrique de l’Ouest consacre entre 1,6 et 1,9 milliard $ à ses importations de produits laitiers. Les principaux acheteurs sont le Nigeria, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Ghana et la Mauritanie.