À défaut d’une moustiquaire imprégnée, certaines personnes utilisent des ventilateurs ou des climatiseurs pour se protéger de la piqûre des moustiques. Par contre, d’autres, par peur de contracter le paludisme, tiennent encore à la moustiquaire. Reportage à Yoff et aux Parcelles Assainies.
Dans sa chambre modeste où la peinture s’effrite peu à peu et où le toit menace ruine, Khady Badiane est sur le point de se coucher. Il est 22h, à l’Unité 9 des Parcelles Assainies, ce samedi 6 mai 2023. Malgré la chaleur qui s’installe, petit à petit, quelques vagues de fraîcheur continuent de faire de la résistance. Visage dégoulinant de sueur, la dame mariée et mère de 2 garçons (4 ans et 6 ans) prend son drap de lit pour chasser les moustiques qui essaiment dans la cour de la maison. « J’ai une moustiquaire, mais je préfère mettre le ventilateur », sourit Khady, banquier de profession.
Teint noir, taille mastodonte, moulée dans un pantalon noir et une chemise bleue, Khady, dont le mari vit aux États-Unis, ne se préoccupe pas trop des mesures édictées contre le paludisme. « Le ventilateur est très efficace. J’ai des collègues qui utilisent ,eux, la climatisation. Je suis fatiguée de mettre tous les jours une moustiquaire. Cela demande du temps et je n’en ai pas à cause de la fatigue », soutient-elle, alors que, la campagne 2022 au Sénégal a permis de distribuer plus de 7 millions de moustiquaires aux ménages, pour leur protection contre les piqûres des moustiques.
À Yoff, l’utilisation de la moustiquaire est quasi-inexistante. Mamy Diagne, 20 ans, native de Yarakh, vit avec son mari dans le quartier de Dagoudane. Les fleurs et les herbes hautes qui entourent la résidence oxygènent l’espace. Dans sa chambre, son ultra chic, la clim’ berce les occupants et distille un air doux et agréable.
Joyeuse comme une drille, Mamy se réjouit du fait que le vent de fraîcheur dissuade les moustiques. « Franchement, je ne vois pas l’utilité de mettre des moustiquaires imprégnées », note celle qui s’est mariée en 2021, sans pour le moment enfanter. Mme Diop précise que, dans sa maison, personne ne se plaint de l’existence de moustiques. Et, confie-t-elle, « Pourtant, quand j’étais avec ma famille à Yarakh, on mettait ces moustiquaires. Mais je ne sais pas pourquoi, depuis que je suis à Yoff, ce n’est plus le cas », souligne Mamy dont le figure dépigmentée commence à faire apparaître des rides.
« Le palu a failli me prendre mon seul enfant »
Dans le quartier contigu de Dagoudane, à savoir Ndénatte, l’usage de la moustiquaire est de mise dans certains ménages. Avant de dormir avec son mari, avec qui elle s’est liée en 2017, à la suite du décès de son premier époux, Bineta Taye Diop prend presque une dizaine de minutes pour monter les moustiquaires, dans sa chambre et celle de son fils, Samba. Quand elle se met à raconter l’épisode fâcheux qui le lie au paludisme, ses yeux sont inondés de larmes. On sent, dans les yeux de la quinqua, une amertume qui frise la peur du retour de la catastrophe. Ce parfum de mort qui, à un moment donné, a soufflé autour de sa progéniture, cette odeur d’orphelin qu’elle a failli goutter. « Je n’ai qu’un seul enfant en 20 ans de mariage et c’est le palu qui a failli me le prendre. C’était en 2012. À l’époque, son père vivait encore. Un moustique l’a piqué et mon fils a fait des jours à l’hôpital Philipe Maguilène Senghor d’abord et, ensuite, à l’hôpital Aristide Le Dantec. Il avait une fièvre qui avoisinait les 45 degrés. J’avais beaucoup pleuré, car il avait fait une dizaine de jours à l’hôpital. Son père avait déboursé beaucoup d’argent pour le sauver », se remémore Mme Diop, soulagée aujourd’hui.
Selon le Programme national de lutte contre le paludisme (Pnlp), le Sénégal a connu une baisse considérable du nombre de cas de paludisme entre 2016 et 2019, avec des cas confirmés, qui sont passés de 492.253 à 354.708. Toutefois, une légère hausse du nombre de cas a été enregistrée en 2020, dans les zones péri-urbaines.