Dans la capitale sénégalaise, les parkings payants ne cessent de proliférer. Au centre-ville de Dakar, ces points de stationnement sont improvisés presque partout : aux devantures des banques, maisons privées, écoles, restaurants, des centres commerciaux etc. Ils constituent aujourd’hui un véritable business pour certains, et sur plusieurs voies, rues et ruelles, ils ont fini par faire disparaitre les trottoirs, rendant ainsi le déplacement des piétons difficile. Reportage sur une pratique devenue l’attraction d’affairistes et/ou de businessmen qui gagnent leur pain au service des automobilistes mais sur le dos des riverains.
Le centre-ville de Dakar centralise l’essentiel des activités de services administratifs et d’affaires. Dans ce quartier de la capitale se regroupent les grands hôpitaux, un grand nombre de banques, des commerces, une bonne partie de l’administration, des restaurants etc. Du coup, il enregistre quotidiennement un flux important d’automobilistes et il n’est pas chose aisée pour ces derniers de trouver une espace où se garer. La conséquence directe est qu’ils recourent aux points de stationnements payants, pour pouvoir garer leurs voitures le temps de s’occuper de leurs activités du jour. Cette situation a entrainé la création tous azimuts de parkings qui ont fini par envahir les trottoirs et rendre difficile le déplacement des piétons.
Lundi 08 mai 2023, nous sommes en plein centre-ville, à la célèbre « Place de l’indépendance ». A une dizaine de mètres, un agent oriente un automobiliste venu garer son véhicule. Ses deux autres collègues guettent d’autres clients. « Vous voulez garer ? », « Il y a de la place ici, Monsieur ! ». Telles sont les phrases les plus usitées par les gérants de ce parking. Des traits faits à l’aide de peinture jaune délimitent les places. Entre ces lignes de délimitation, il est parfois marqué un numéro d’immatriculation qui montre que la place est réservée. Pour M. Gaye qui vient de stationner sa voiture, les parkings font l’affaire des automobilistes. « Certains se plaignent des petites sommes d’argents qu’ils payent pour garer. Mais s’il n’existait pas ces parkings, ce serait beaucoup plus difficile pour nous », lance-t-il. Avant d’ajouter : « il y a trop de voitures à Dakar et pas suffisamment d’espace.» Oumar Niang qui s’apprête à quitter le parking a, lui, du mal à sortir son véhicule. Il est bloqué par une Range Rover de couleur blanche. « C’est presque toujours comme ça. On paye mais ils ne font pas l’effort de mettre de l’ordre », s’offusque le trentenaire.
Les prix varient entre 500 et 1000 FCFA, selon cet agent qui s’exprime sous le couvert de l’anonymat. « Le propriétaire du véhicule paye entre 500 et 1000 FCFA selon le type de véhicule et la durée qu’il fait dans le parking. Il y a par contre des automobilistes très généreux qui donnent parfois plus que ce qu’on leur demande. Il arrive que quelqu’un nous donne 5000 F alors qu’il devrait payer 1000 F par exemple », confie t-il, en guettant une voiture 4X4 qui se dirige vers le parking. A quelques encablures de là, à 500 mètres à peu près, nous sommes tombés sur un autre parking, situé à la façade d’un centre commercial. La situation est presque similaire. Ici, les véhicules versent entre 300 et 1000 FCFA. Des jeunes s’activent à accueillir leurs clients automobilistes. « C’est notre gagne-pain, c’est avec ce travail que nous soutenons nos familles », déclare Alioune, laveur. Le désordre qui règne sur les lieux est notoire. Un décor qui semble déranger le vieux Mamadou Ly, riverain. « La prolifération de ces parkings constitue un danger. Cette occupation anarchique a fait disparaitre les trottoirs dans plusieurs voies. Cela expose les piétons aux accidents », déplore le vieux retraité. Pour celui-ci, les autorités doivent veiller à la bonne organisation de ces espaces de stationnement. Lui emboitant le pas, Ndèye Codou, fustige l’érection des trottoirs en parkings. Pour la gérante d’une agence multiservices, ces parkings risquent de devenir plus encombrants que les vendeurs à la sauvette qui font souvent l’objet de rafles.
250 000FCFA PAR VEHICULE ET PAR AN
Quid de la concession de ces espaces transformés en parkings ? Là, les langues ont du mal à se délier. Nous avons ainsi tenté à maintes reprises de contacter le chef de division des services fiscaux de la mairie de Plateau, pour un entretien sur la manière dont la mairie octroie ces espaces de stationnement, en vain. Cependant, dans un entretien qu’il accordait au journal L’AS en 2021, le Cdsf de la mairie Seydou Camara annonçait que, selon une délibération votée en 2019, les parkings sont loués à hauteur de 250 000 F CFA par véhicule. Il expliquait ainsi que des contribuables acquièrent parfois 20 à 30 parkings et versent leurs redevances à la commune. Pour la gestion, ces contribuables emploient de jeunes laveurs.
En vérité, trouver un espace où se garer est devenu le cauchemar des automobilistes à Dakar, surtout au centre-ville. Ce problème est en particulier dû au fait que l’aménagement urbain n’avait pas prévu des endroits pour des parkings. Les anciens maires Pape Diop et Khalifa Ababacar Sall avaient annoncé chacun durant son magistère, le projet de l’aménagement d’un parking souterrain à la Place de l’indépendance. Mais des contraintes géophysiques auraient rendu sa réalisation impossible. Depuis lors, les parkings «sauvages» sont devenus l’attraction d’affairistes et/ou de businessmen qui gagnent le pain au service des automobilistes mais au grand dam des riverains.