Plusieurs institutions africaines en appellent à une réforme de l’architecture financière mondiale. Un examen des pertes potentielles des banques américaines en 2002, démontre sans peine que les actifs obligataires africains constituent une alternative crédible pour les investisseurs, en dépit d’un deux poids deux mesures dans la perception du risque.
Selon le Federal Deposit Insurance Corporation, l’organisme qui gère le mécanisme de garanties accordées par le gouvernement américain aux dépôts bancaires aux États-Unis, la valeur totale des pertes potentielles dans le bilan des banques actives sur ce marché a atteint 620,4 milliards de dollars à la fin de l’année 2022. Cette information a récemment été mise en avant par de grands médias financiers américains, à la suite de la faillite de plusieurs banques américaines de taille moyenne, consécutives à celle de la Silicon Valley Bank.
Il n’est pas exclu que l’objectif de cette couverture médiatique ait été de démontrer que la banque californienne n’avait pas été la victime de mauvais choix de la part de sa direction, mais plutôt d’une conjoncture qui a fragilisé les banques plus petites. C’est d’ailleurs ainsi que la chute de la SVB est largement expliquée dans certains médias : un dommage collatéral des décisions de la réserve fédérale américaine (la banque centrale). Cette dernière est critiquée pour avoir constamment soutenu, dans un premier temps, que l’inflation serait passagère et qu’il n’y avait pas besoin d’augmenter son taux directeur. Cette position incitait les entreprises et le gouvernement à continuer d’emprunter car les taux d’intérêt étaient bas, et encourageait les banques à prêter davantage pour réaliser des marges.
Les pertes potentielles dont il est question ont deux formes : celles qui portent sur des instruments financiers, détenus à long terme (340 milliards de dollars) et celles liées aux produits enregistrés comme disponibles à la vente, et qui peuvent donc se réaliser à tout moment (280 milliards de dollars).
Avec des taux qui restent élevés et qui pourraient le demeurer pour contenir l’inflation ainsi qu’un dollar élevé, ces pertes potentielles risquent de se réaliser rapidement si les banques subissent une pression de liquidités et doivent céder leurs titres de créances disponibles à la vente. Pour les titres qui seront gardés à maturité, elles afficheront quand même une perte d’opportunité. Même si les débiteurs remboursent le montant investi, celui-ci affichera une décote en raison du niveau d’inflation.
Or, la situation actuelle ne semble pas avoir une issue favorable. C’est parce que l’économie américaine ne générait plus d’inflation que la banque centrale avait mis en place un dispositif d’argent facile. Mais l’inflation ayant dépassé ses objectifs, elle a décidé de remonter ses taux directeurs.
Toutefois, même si l’inflation reculait dans la limite de ses objectifs, il n’est pas certain que les taux baissent à nouveau. Ces pertes, il faut le rappeler, représentent jusqu’à 2,3 fois le bénéfice net des banques en 2022, et plus d’une fois pour les pertes potentielles sur les instruments à la vente.
La situation n’est pas banale, elle traduit les faiblesses d’un système financier qui ne parvient plus à honorer ses engagements de croissance des rendements pour ses clients, sur ses marchés considérés comme sûrs.
Une option reste ouverte pour la communauté mondiale des investisseurs : se tourner vers des marchés émergents et en développement tels que ceux d’Afrique. La dette globale de la région analysée différemment ne représente pas un risque pour le système financier mondial, et l’on peut noter que les banques américaines ont plus à perdre sur des produits financiers américains qu’en investissant en Afrique.
Sur un stock de dette à long terme qui a généré des revenus d’intérêt (service de la dette) d’une moyenne annuelle de 19 milliards de dollars, payés par les gouvernements africains entre 2017 et 2021, très peu de faillites ou de pertes de valeur sur les obligations ont été signalées.
Enfin, la complication des choses sur les marchés financiers matures va de pair avec l’appel de plusieurs institutions africaines (UNECA et BAD) pour une réforme de l’architecture financière mondiale, où l’Afrique recevrait plus d’attention de la part des investisseurs privés internationaux.
Il n’est pas exclu qu’on oppose à cette option, le fait que les pays africains font face à une inflation plus élevée encore et à des risques de dépréciation des taux de change, ce qui serait exact. Toutefois, si les ressources sont canalisées sur des investissements de production et de développement, cela donnera un élan à l’activité économique qui permettra de rembourser les créanciers ou détenteurs des capitaux.